Français.e.s à l’étranger au temps du coronavirus – Maya, Bruxelles

J’ai demandé à des français et des françaises résidant à l’étranger de nous parler de leur expatriation et de leur situation actuelle, dans un contexte épidémique. Les interviews ont été synthétisés en des témoignages et anonymisés. Merci à elles, merci à eux de raconter leur histoire.

Maya a 23 ans, elle vit entre Paris et Bruxelles et a passé son confinement en Belgique. Elle nous raconte son histoire et sa situation de française à l’étranger au temps du COVID-19.

Mon histoire…
Je suis UX designer, autrement dit, mon travail est de tenter de comprendre les besoins des utilisateurs pour designer des produits ou services qui leur correspondent. Je suis aussi étudiante, “c’est vrai que c’est un truc que j’oublie” puisque je suis en alternance. “Je fais pas mal de musique”, chose que j’ai repris notamment pendant le confinement. “Mon lieu de résidence c’est Paris mais même avant la situation j’étais déjà quand même pas mal à Bruxelles” puisque “j’ai la chance de pouvoir faire pas mal de télétravail” donc “je suis assez mobile”.

“Je suis née dans le Tarn”. Ensuite, quand j’avais trois ans “avec mes parents on est partis en Allemagne” où “j’ai vécu pendant trois ans” à côté de Munich, dans un village. Puis “à la naissance de mon petit frère on est rentrés en France” dans un lieu pour lequel “j’ai très peu de souvenirs”, à côté de Marseille. Après plusieurs années on est revenus dans ma maison d’enfance, alors mise en location et “un an avant d’avoir mon bac je suis arrivée à Albi” où “j’ai pris mon premier appart”. A Albi, “j’ai bossé avec les gens du voyage” et au festival de la faculté. J’ai ensuite passé deux ans à Toulouse “où j’ai rencontré mon chéri”.

“On est partis tous les deux en Afrique du Sud pendant quatre mois” où j’ai télétravaillé. En rentrant, “je suis partie directement à Bruxelles” avec lui, puisqu’il y avait trouvé un travail et comme “moi j’avais envie de bouger et je me suis dit : allé, c’est parti” ! J’y suis restée pendant un an et demi où j’ai fait mes études. A l’époque, je travaillais beaucoup entre mes cours et les petits jobs. Par la suite, “j’ai dû rentrer en France parce que les stages notamment c’était pas payé à Bruxelles”. Mon copain, lui, “est resté à Bruxelles donc j’ai continué à faire des allers-retours assez régulièrement”.

A ce moment-là, “j’ai découvert Paris qui est une ville assez agressive et assez gigantesque même si elle est super belle”. “La première année j’étais beaucoup à Paris et je revenais une fois tous les deux mois à Bruxelles” mais cette année “j’ai passé plus des trois quarts du temps” à Bruxelles.

En Allemagne “j’étais un peu un extraterrestre parce que quand je suis arrivée je ne parlais pas un mot d’allemand”. Mais dans mon école, “les gens étaient très accueillants avec moi, j’étais la seule de la famille à parler allemand parce que j’ai appris à parler très très vite” d’ailleurs “quand on allait à l’extérieur c’était moi qui traduisait”. Albi “j’ai adoré, c’est une ville qui m’a fait beaucoup de bien”. C’est là que “j’ai pu m’ouvrir un peu plus, rencontrer de nouvelles personnes qui venaient d’univers vachement différents”. Cela m’a permis de connaître la vie associative où “je me suis beaucoup investie”. “Je sais pas si j’aurais aimé y rester plus parce qu’au bout d’un moment on fait le tour” mais j’ai beaucoup apprécié les moments que j’y ai passé.

En Afrique du Sud “j’ai eu un espèce de choc concernant les inégalités”. “Le fait de le voir vraiment et de se rendre compte qu’il y a vraiment une différence là-bas entre les personnes noires, les personnes blanches […] même dans la vie quotidienne de tous les jours, ça se voit, c’est flagrant”, “ça m’a vachement déroutée”.

Mon expatriation…
Bruxelles “au début j’ai pas trop vu la différence avec la France, même si c’était une plus grande ville que là où j’avais été”. “Déjà y a pas la barrière, ou très peu, la barrière de la langue” et puis “j’ai trouvé que les gens étaient beaucoup plus ouverts, et beaucoup moins dans le jugement” qu’en France. Je crois qu’il “y avait tellement de gens qui venaient de partout et d’univers complètement différents que les gens étaient beaucoup plus ouverts”. Pourtant, “finalement j’ai noué peu de relations avec des belges” mais plus avec des étrangers d’un peu partout, “je sais pas si c’est un entre-soi”… Mais “j’ai tout de suite vachement accroché à la ville” et “j’ai pas vraiment eu de mal du pays ou de choses qui m’ont marquée négativement… à part le fait qu’il y a pas de boulangeries” ! “Ah si y a quelque chose qui m’a marquée quand même c’est que la scène musicale est beaucoup plus ouverte en France qu’à Bruxelles et ça c’est un truc qui m’a vachement manqué”.

Pour finir, “je crois que mon plus gros choc ça a été Paris quand même”. “Déjà que moi je suis hyper anxieuse, bah là ça va hyper vite, ça va à cent à l’heure et ça ne s’arrête jamais”, “tu peux pas marcher tranquillement dans la rue, il faut aller à fond”. “Du coup dès que je rentrais à Bruxelles c’était un soulagement, et j’avais l’impression de respirer” et je crois que c’est “cette coupure” qui me permet de rester à Paris.

Au total, j’ai vécu “un peu plus d’un an” à Bruxelles. Au fur et à mesure, “les différences que j’ai ressenties c’était notamment au niveau politique et engagement citoyen par exemple. Je sais qu’en France, de mon ressenti, on a vachement tendance à râler, à vouloir toujours plus, de nouvelles choses alors qu’ici ils sont beaucoup plus à voir avec le temps sans trop rien en penser”. Tandis qu’ici, “c’est pas la même dynamique”. J’ai beau avoir travaillé chez Amnesty International, “c’était pas le même engagement qu’en France”, “j’avais l’impression que c’était moins énervé”.

Ma vie au temps de l’épidémie...
“Avant l’épidémie j’étais restée un moment à Bruxelles” et j’étais revenue à Paris un mois, pour mon alternance. A ce moment “j’étais très active, je sortais beaucoup, mais je travaillais beaucoup aussi” tandis que quand je venais à Bruxelles, “je restais déjà beaucoup à la maison” en télétravail. Quelques jours avant le confinement, “y avait déjà un peu la tension qui commençait à monter”. “J’étais en cours à ce moment là, on stressait tous un peu, on savait pas trop”. Alors la veille du discours présidentiel “je me suis dit : il faut que je rentre parce qu’ils vont fermer les frontières” : “je vais faire une grosse valise, on sait jamais”.

Aujourd’hui, “à part pour faire mes courses, donc une fois par semaine, je sors pas du tout”. “Je reste à la maison vraiment toute la journée et ça c’est assez compliqué même si je le fais par choix” parce que “c’est ce qu’il faut”. “Avant même quand j’étais en télétravail, je sortais toujours, au moins pour me promener le soir ou pour aller voir des potes” au moins une fois par jour. “Au tout départ j’étais vachement positive. Les gens paniquaient et moi j’étais hyper sereine en mode : mais non, c’est quelque chose de bien, pour la planète, ça va nous permettre de faire des trucs” mais “au bout de deux semaines ça a commencé à être dur, j’ai eu un gros coup de mou”.

C’est dur pour moi de savoir que “je peux pas être là pour ma famille alors que c’est compliqué pour eux, j’avais l’impression que le monde était en train de s’effondrer et je me disais : je suis complètement impuissante face à ça et ça c’était compliqué”. “Et puis y avait autre chose qui était compliqué c’est que j’écoutais beaucoup les news de la France mais pas du tout du pays dans lequel j’étais donc la Belgique”. “Je savais pas du tout ce qui était en train de se passer en Belgique en fait, je me référait aux infos de la France alors que je suis pas en France”.

Grâce au confinement, “je me suis mise à faire pas mal de sport, et ça ça me fait vachement de bien”, “je cuisine aussi beaucoup plus” et “je prend aussi plus de temps pour moi” mais “je bosse aussi un peu plus”. Avec la faculté “on a eu quelques cours à distance” et “ça m’énerve parce que j’attendais beaucoup de cette année” enfin, “je suis un peu déçue” et “je m’inquiète” de mon arrivée sur le marché de l’emploi, d’autant que je compte chercher en Belgique.

Pour moi, “vu que je reste enfermée à l’appartement” l’endroit où je suis importe peu. “Ceci dit, je suis un peu inquiète de la situation avec le COVID en Belgique parce que du coup y a aucun contrôle de police, y a pas d’attestation etc ce qui fait que les gens sortent dans la rue, y a tout le temps du monde, ils s’en foutent”. Pourtant “selon certains articles que j’ai lu, la Belgique c’est quand même le deuxième pays au monde où il y a le plus de morts par milliers d’habitants”, “c’est hallucinant”. Les belges “sont hyper cools mais ils sont pareils en confinement, j’ai l’impression que ça les atteint pas trop” donc c’est vrai que “je ressens un espèce d’écart entre mes potes qui sont à Bruxelles et qui continuent un peu de sortir, de faire des soirées clandestines comme ça et moi qui suis là en mode : non !”.

Ce décalage je le ressens du fait que “ma maman est hyper impactée par la situation et avec qui je parle tous les jours de ça” donc “je vois à quel point ça a un impact assez terrifiant en France, et partout ailleurs d’ailleurs”. En fait “pour moi c’est pas possible de faire autrement que de ne pas sortir” et puis “j’écoute les infos française donc j’applique ce qu’on fait en France”. Tellement que “au début je pensais qu’il fallait que je sorte avec une attestation alors que bah non”.

En ce moment il “y a des jours où je vais être vachement positive […] je me force un peu à l’être aussi, pour pas m’auto-détruire parce que je sais que si je commence à déprimer bah voilà…” mais en réalité “c’est compliqué parce qu’on sait pas, même si on nous dit en France le 11 mai, ici le 3… tant qu’on sera pas dehors on saura pas”. “Aussi je suis vachement inquiète pour les indépendants, pour tous mes potes qui bossent dans le secteur de la culture. Je suis un peu inquiète pour moi mais pas tellement en fait, je suis plus inquiète pour les autres que pour moi et du coup je me remet aussi beaucoup en question”. “Moi je bosse pour vendre des trucs et je vais être payée hyper bien quand t’as des gens qui vont sauver des vies et qui sont à peine au SMIC, c’est… mais pourquoi ?”. “Y a plein de choses qui m’interpellent et qui me rendent triste, et qui me mettent en colère”, “donc ça dépend des jours”.